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Le Club international de pédiatrie sociale rend hommage à S. Tomkiewicz
AAA toi, Tom

Le Club international de Pédiatrie sociale a tenu ses assises près de Nyon (Suisse) les 29 et 30 mai 2003. A cette occasion, un hommage chaleureux a été rendu à S. Tomkiewicz par le Dr D. Halpérin


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En intitulant mon propos : "AAA toi, Tom ", je n’ai été saisi ni d’une crise de bégaiement ni d’un irrépressible besoin d’éternuer. J’ai pensé simplement que parmi toutes les facettes de cet intriguant personnage, la chaleur humaine en était la plus essentielle, et que s’il ne devait y avoir qu’une chose à retenir de lui, ce devait être cette précieuse faculté d’amour qu’il projetait sur tous - amis, proches, collègues et patients surtout. C’est de cela qu’il s’agit donc : car ce triple A, qu’il a lui même estampillé sous l’apparence bienvenue d’un label de qualité, ne désigne rien d’autre qu’une " attitude authentiquement affective".

Voyons en quoi consiste cette AAA, quelles en furent les sources, et en quoi elle nous concerne, nous qui, à des titres divers, pensons œuvrer au service de l’enfant et défendre sa place au sein de la Cité.

1. L’AAA


Laissons à Tom le soin de nous expliquer lui-même ce concept : "J’ai trouvé cette formule pour donner un air scientifique à notre manière de fonctionner, tout en évitant le mot amour qui serait mal passé auprès des jeunes. L’idée essentielle était qu’il fallait transmettre à chaque adolescent le sentiment qu’il pouvait être aimé et garder ensuite cette attitude pendant toute la durée de la relation".

Voilà une approche qui tranche singulièrement avec les principes de la relation thérapeutique que l’on nous a inculqués tout au long de nos formations de soignants, relation plutôt caractérisée par la prise de distance, la non implication personnelle, la neutralité bienveillante et une bonne dose de paternalisme voire de condescendance à l’égard des patients.

2. Quelles furent les sources de l’AAA ?


J’en retiendrai 3 principales :

- Une rencontre providentielle : né à Varsovie en 1925, Tom passe la guerre en grande partie dans le ghetto où, il devient un adolescent juif tourmenté par l’idée qu’il est un " être anachronique, mal foutu, handicapé ", bref qu’il ne vaut pas grand chose. Au point qu’il tente de se suicider, fin 1942, en avalant 80 comprimés de Gardenal. Après trois jours de coma, il se réveille par miracle mais mécontent et bien décidé à récidiver. C’est alors qu’il rencontre un psychiatre qui, en une seule consultation, parvient à lui instiller une bonne dose d’AAA et à le convaincre qu’ " un garçon comme moi, avec mes dons, mes capacités, mes intérêts, ma drôlerie, je ne sais plus quoi, serait un être de valeur, se débrouillerait bien, ne serait à la charge de personne. Le résultat, c’est que depuis [...], je n’ai plus jamais fait de tentative de suicide".

-  Janusz Korczak : c’est le maître spirituel de Tom. Tom connaissait Korczak, et l’admirait. Il aimait citer de lui cette phrase qui sonne comme un prélude à l’AAA : "On dit que je suis un saint homme, que je me sacrifie pour les enfants. Rien de plus faux. Il y en a qui aiment la bière, il y en a qui aiment jouer à la bourse ou aux courses, il y ceux qui aiment les femmes. Moi, j’aime les enfants. C’est ma joie de vivre, de vivre au milieu des enfants."

Mais Korczak, au-delà de l’amour sublime et sublimé qu’il avait pour ses pupilles, a surtout défendu la notion de droits de l’enfant. Parmi ces droits qu’il appelait à faire valoir et qu’il mettait grandement en application dans son orphelinat :

· Le droit à l’amour
· Le droit au respect
· Le droit aux conditions les meilleures pour sa croissance et son développement
· Le droit de vivre dans le présent
· Le droit d’être lui-même
· Le droit à l’erreur
· Le droit d’avoir des secrets
· Le droit d’être pris au sérieux
· Le droit d’être apprécié pour ce qu’il est
· Le droit de désirer, de réclamer, de demander
· Le droit à "un mensonge, une tromperie, un vol occasionnels"
· Le droit que l’on respecte ses biens et son budget
· Le droit à l’éducation
· Le droit de résister aux influences éducatives entrant en conflit avec ses croyances
· Le droit de protester contre une injustice
· Le droit d’avoir un Tribunal des enfants où il peut juger et être jugé par ses pairs
· Le droit d’être défendu dans un système de justice spécialisé dans l’enfance
· Le droit que l’on respecte son chagrin
· Le droit de mourir prématurément...

Inutile de dire qu’avec une telle vision de l’enfant, l’AAA devient pour ainsi dire naturelle et quasi automatique.

-  Les dimanche de La Roche-Guyon (1960-1976) : Miraculeux survivant de Bergen-Belsen, du désespoir et de la tuberculose, Tom, qui a perdu ses parents dans la Shoah, est recueilli à Paris à la fin de la guerre. Il devient médecin, et c’est à la Maison de l’Assistance publique de la Roche-Guyon qu’il découvre le monde des enfants profondément handicapés. Là, il constate que chaque nurse a son "chouchou" et qu’avec ces enfants chouchoutés elles font parfois des miracles ou qu’à défaut elles les empêchent de régresser davantage. Tom invente alors la "miaouthérapie" et affirme : "Un médecin peut jouer toute la journée avec un arriéré profond."

3. En quoi ceci nous concerne-t-il ?

C’est Tom lui-même qui par ma voix va répondre. J’emprunte ses réflexions à l’une de ses dernières conférences donnée à Soulac, en août 2002.

-  Au plan de la formation : il nous revient de ne plus enseigner aux futurs soignants ou éducateurs que les "bons sentiments, c’est de la crotte de bique", ou que l’ennemi du professionnel c’est les sentiments, c’est de se laisser aller. Il faut au contraire que ces jeunes, riches de leurs idéaux et de leur enthousiasme, prennent confiance dans leurs capacités d’empathie et de réconfort et qu’ils sachent se laisser guider par leurs sentiments.

-  Au plan des thérapies : il est de notre responsabilité de ne pas "chosifier" les patients. L’AAA nous permet d’éviter le piège de la chosification car elle nous rappelle constamment l’humanité - et par conséquent le caractère unique - de celui qui est en face de nous. Tom avait en horreur certaines thérapies qui, à l’instar du behaviorisme, ne voient le patient que comme une sorte de boîte noire sans âme. Il appréciait par contre la psychanalyse - une approche très égalitaire où chacun, riche ou pauvre, éduqué ou analphabète, a le droit de disposer d’un moi, d’un ça et d’un surmoi. Mais gare au psychanalyste (qui devenait illico un "psychopatacon") s’il se mettait à appliquer la traditionnelle neutralité bienveillante à un ado délinquant, lequel a besoin de tout sauf de neutralité et de bienveillance !

-  Au plan politique et social : il est de notre devoir de dénoncer l’offensive démagogique des "dinosaures" (Sarkozy, Chevènement, Giuliani à N.Y.) pour qui l’étiologie principale de la délinquance, c’est l’absence d’autorité (et qui de ce fait voudraient durcir la répression et rouvrir les bagnes du XIXe), alors que c’est au contraire d’absence d’amour, ou d’un "mauvais amour" que ces jeunes souffrent. Si, comme thérapeutes ou éducateurs, nous n’admettons pas que des parents peuvent être non- ou mal-aimants, alors nous contraignons les enfants à décoder vainement dans les comportements parfois pathologiques de leurs parents un amour qui n’existe pas, et on empêche les parents de décoder dans les comportements tumultueux de leurs enfants un appel à cet amour qu’ils ne reçoivent pas.

-  En dernier ressort, le travail médico-social, s’il n’est pas animé par l’amour, par quoi peut-il l’être ? Par l’argent ? Le pouvoir ? La gloire ?

Poser cette question et y réfléchir, voilà qui constitue, je crois, un hommage à Tom que Tom lui-même aurait approuvé.

En guise de conclusion, permettez-moi de vous dire que si je ressens comme un privilège et un honneur l’invitation à vous parler ce soir de Tom, je ressens surtout, et c’est bien dans l’ordre des choses s’agissant d’affectivité, une grande tristesse à ne plus l’avoir à mes côtés. Dommage que je ne possède pas un "casse-temps" pour le faire revenir... Lui aussi, Tom, qui était poète à ses heures, en avait rêvé dans ces Histoires à rêver debout qui viennent de paraître [1]. Ecoutez-le.

Je veux un casse-temps.

Puisqu’il y a des casse-pieds, puisqu’il y a des passe-temps, pourquoi n’aurais-je pas de casse-temps ?
Je veux un casse-temps pour casser le temps qui passe
Pour casser le temps en petits morceaux
Comme on casse un vase, comme on casse un œuf
Comme on casse un os
Quand d’un uf cassé sort une jambe pliée
Le temps est cassé
Dans un tronc d’arbre vide et cassé on voit une tête blonde, échevelée
Le temps est cassé puis la tête est cassée
Et de la blessure le temps coule comme un fleuve roux
Le corps percé de flèches laisse sourdre le temps
Résine verte
Je veux casser le temps avec un beau casse-temps
Un casse-temps en acier, un casse-temps en huile
Un casse-temps en pattes d’araignée
Je veux casser le temps à coups de marteau, à coup d’épingle à nourrice dorée
Le temps cassé, le temps piétiné dans une flaque de sang sera emboîté
Les morceaux de temps je les jetterai dans l’herbe et de chaque morceau poussera une pâquerette à grosse tête
Il y a des casse-pieds, il y a des casse-têtes
Je veux un casse-temps qui casse
Le temps qui passe.



Source : "Bulletin trimestriel de l’Association suisse
des Amis du Dr Janusz Korczak" http://www.droitshumains.org/korczak/05Lettre_juin03


[1] Editions Le Pli, 2003

AAA TOI TOM -
Le Club international de Pédiatrie sociale a tenu ses assises près de Nyon (Suisse) les 29 et 30 mai 2003. A cette occasion, un hommage chaleureux a été rendu à S. Tomkiewicz par le Dr D. Halpérin. - Word - 40.5 ko


   Les hommages   
  
Jean-Claude GRULIER   
  
Dr G-Y FEDERMANN   
  
Claire Brisset   
  
TOM, un homme d’exception   
  
Pourquoi tu ris ?   
  
Plusieurs vies   
  
Le Quotidien du Médecin [9 janvier 2003]   
  
Le Monde [10 jan. 2003]   
  
AAA toi, Tom   
  
La fureur de vivre   
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